Fédération LAMIE


 
 

La fédération LAMIE est un groupement de chercheur.e.s, appartenant à diverses universités françaises et étrangères, intéressé.e.s par l’étude des langues de l’immigration espagnole et ses descendants en France et dans les autres pays européens francophones (Belgique, Suisse). Elle se donne pour principal objectif de procéder à la réalisation d’entretiens (filmés et/ou enregistrés) afin de recueillir des matériels pour leur étude linguistique et la sauvegarde de la mémoire de ces communautés.

La fédération cherche à comprendre les parcours des migrants sur plusieurs générations et la façon dont les langues en contact et la réélaboration des identités linguistiques interviennent dans les processus d’intégration dans la société d’accueil, en comparant les résultats obtenus selon le pays d’accueil (France-Belgique- Suisse).

 

Responsables

Marta LÓPEZ IZQUIERDO (Directrice), Université Paris 8
Mónica CASTILLO LLUCH (Co-directrice), Université de Lausanne
Olivier IGLESIAS (Co-directeur), Université Sorbonne Nouvelle Paris 3
Mercè PUJOL (Co-directrice), Université de Perpignan

 

Université partenaires

Université Paris 8 (établissement porteur) · Université de Perpignan · Université Sorbonne nouvelle Paris 3 · Université de Lyon 2 · Université de Lausanne · KU Leuven · Universidad de La Rioja · Universidad Antonio de Nebrija (Madrid) · Universitat Autònoma de Barcelona
 

État de la question

La présence de migrants espagnols en France devient numériquement importante à la fin du XIXe siècle et atteint trois pics au siècle suivant : l’entre-deux-guerres, la fin de la Guerre d’Espagne (pendant la Retirada en 1939) et les Trente Glorieuses. Les Espagnols constituent la communauté étrangère la plus nombreuse en France entre 1956 et 1968 (23% des étrangers en France) et l’une des plus importantes tout au long du XXe siècle. Si la migration espagnole en France a fait l’objet d’un nombre considérable d’études historiques, démographiques et sociologiques, les travaux s’intéressant à cette communauté d’un point de vue linguistique et sociolinguistique sont bien moins nombreux et, pour certains d’entre eux, anciens. Il est urgent, d’un autre côté, de recueillir le témoignage des immigré.e.s des premières générations encore en vie, arrivés enfants ou très jeunes en France entre 1939 et 1970, et dont l’âge avancé fait craindre leur rapide disparition dans les années à venir. La constitution d’un corpus d’entretiens sur support audiovisuel permettra de sauvegarder la mémoire de ces communautés immigrantes et de transmettre leur expérience aux futures générations. D’un point de vue sociolinguistique, ce corpus a pour but d’étudier les répertoires plurilingues des migrants (locuteurs d’espagnol, catalan, galicien, basque, français...) et la manière dont les identités linguistiques sont gérées par les individus lors des processus d’intégration au pays d’accueil. En effet, cette communauté a souvent été décrite comme ayant réussi une intégration « exemplaire » (Girard 1974), une communauté qui s’est « fondue » dans la masse (Lestrade 2011), au point de devenir une « migration invisible » (Dreyfus-Armand 1995). Or, cette intégration va de pair avec le maintien d’un lien très fort aux origines et d’un attachement particulier aux langues du pays d’origine, selon Taboada et Guillon (1987). Les exilés de 39 sont à l’origine d’une considérable production littéraire et journalistique en espagnol, en catalan, en galicien... mais aussi en français. Les immigré.e.s espagnol.e.s des années 60, quant à eux, se mobilisent collectivement, à travers des associations, pour obtenir des états français et espagnols de l’époque la création de classes de culture et langue espagnoles en France, en Suisse, en Belgique, pour les enfants de la deuxième génération. Selon Lestrade (2011), l’organisation collective autour de la langue et la culture du pays d’origine expliquerait la rapidité de l’ascension sociale de cette communauté.

Questions

Plusieurs de ces points soulèvent des interrogations qui constituent autant d’axes de recherche pour notre fédération :
Qu’entend-on par « intégration réussie » d’un point de vue linguistique ? Quelles perceptions ont les migrants eux-mêmes de leur « intégration linguistique » selon le pays d’accueil ?
La communauté des migrants espagnols a-t-elle toujours été « invisible » ? Que suppose ce terme et dans quel sens l’emploie-t-on ? Est-il spécifique de la communauté espagnole ?
Comment le maintien (ou non) des langues du pays d’origine a-t-il favorisé ou au contraire empêché l’intégration (linguistique, sociale et culturelle) ?
Quels effets du contact espagnol/français (ou catalan, galicien, basque avec le français) sont repérables dans les productions des locuteurs bilingues ? Quelles sont les formes de l’hybridation linguistique et quel rôle joue-t-elle dans les stratégies communicatives des locuteurs ?
La maîtrise de sa L1 par le migrant favorise-t-elle une meilleure acquisition de la L2 ? Et inversement ? Dans quels cas se produisent les phénomènes d’attrition dans la L1 et/ou d’acquisition insuffisante de la L2 ? Quelles sont les spécificités de l’acquisition chez les locuteurs plurilingues (dans les cas des locuteurs espagnols parlant plusieurs langues dans leurs pays d’origine) ?
Quelle incidence ont eu les différentes politiques linguistiques des pays d’accueil (la France, la Suisse, la Belgique) sur l’intégration linguistique des migrants et sur l’élaboration de leurs identités linguistiques ?
Quels enseignements tirer de l’expérience de la migration espagnole en terres francophones à l’heure des migrations globales ? Quels systèmes d’enseignement seraient le mieux à même de répondre aux défis qu’elles représentent ?

Objectifs

1) répertorier les travaux existants sur cette communauté, en particulier les travaux menés dans une perspective linguistique et sociolinguistique ;
2) identifier et répertorier les productions orales et écrites de ces locuteurs disponibles dans les archives publiques ou privées, éditées ou inédites ;
3) réaliser une campagne d’entretiens auprès des populations concernées dans le but de recueillir des matériels pour leur étude linguistique et la sauvegarde de la mémoire de ces communautés, en donnant priorité aux générations qui sont aujourd’hui plus âgées et pour lesquelles les enregistrements sont urgents ;
4) construire une plateforme en ligne pour la mise à disposition des enregistrements audiovisuels et des résultats des études au fur et à mesure de leur élaboration ;
5) comparer les résultats obtenus selon le pays d’accueil (France-Belgique- Suisse) ;
6) comprendre les parcours des migrants sur plusieurs générations et la façon dont les langues en contact et la réélaboration des identités linguistiques interviennent dans les processus d’intégration dans la société d’accueil ;
7) ouvrir l’étude à la comparaison future avec les parcours d’autres communautés immigrées (portugais, italiens, maghrébins, polonais, Amérique latine...) ;
8) élaborer un projet européen de recherche sur la linguistique de la migration.